Ce que le Dalaï-Lama dit au MMM

Les grands hommes savent se retirer le moment venu. Aux autres – de moindre stature –, il faut leur montrer la sortie. C’est la leçon à retenir de la récente annonce du Dalaï-Lama. Le chef du gouvernement tibétain en exil a fait savoir, ce jeudi, qu’il renonce à ses fonctions politiques. A 6 000 kilomètres de Dharamsala, nos leaders politiques locaux n’ont que faire de ces leçons. Au pouvoir, ils y tiennent. Certains y sont nés. D’autres projettent d’y rester jusqu’à la fin.

La question d’un retrait doit toutefois intéresser au plus haut point l’un de nos leaders politiques : Paul Bérenger. Dans quinze jours, le patron du MMM souffle ses 66 bougies. « Pas si vieux que cela ! » affirmeront ses partisans. Le commentaire est tout à fait recevable. Surtout quand on sait que Navin Ramgoolam fête ses 64 ans en juillet et que son père, sir Seewoosagur, avait, lui, 67 ans au moment de diriger le premier gouvernement de l’île Maurice indépendante.

L’âge biologique n’est toutefois que secondaire. C’est l’âge politique des leaders qui détermine le rôle qu’ils peuvent encore jouer dans notre démocratie. Voici 42 ans que Bérenger fait de la politique active. Un temps qu’il a majoritairement dédié à incarner l’opposition intra- et extraparlementaire. Ramgoolam n’a, lui, « que » 20 ans à son compteur politique. Dont l’essentiel passé à exercer le pouvoir. Ce différentiel explique largement pourquoi chez une bonne partie de la population, Bérenger ne peut prétendre être « l’homme d’avenir » face à Ramgoolam. Que faire à partir de ce constat ?

Des apparatchiks mauves expliqueront qu’il n’y a rien à faire : « Bérenger est la plus grande force et la plus grande faiblesse du MMM. » La posture est démissionnaire. Car au sein même du bureau politique du MMM, certains se sont fait une opinion – Bérenger est aujourd’hui la plus grande faiblesse du MMM ! Le hic, c’est que personne n’ose le lui dire. De peur d’être humilié en plein bureau politique, ou par piété pour « le parcours » du leader.

Les Mauves s’en remettent donc à la « sagesse de Paul ». Qui en profite pour débiter les mêmes idées – usitées – lors de ses anachroniques conférences de presse du samedi matin. En interne, au lieu d’élaborer une stratégie politique à long terme, le court-termisme tactique est érigé en dogme. Pendant que ses lieutenants planchent sur des réformes sociétales, Paul Bérenger se pose la question de savoir s’il faut intégrer Ashock Jugnauth à son parti ou se préparer à s’allier à Ramgoolam. Guérir de cette schizophrénie nécessite un remède radical. Bérenger doit partir.


L’idée n’est pas de décapiter le MMM. Mais plutôt de gérer le fait que Bérenger est devenu une cible trop facile pour l’adversaire. Qui a compris qu’il suffit de le discréditer pour dévaloriser son parti. Mais il ne s’agit pas non plus de liquider Bérenger pour le remplacer illico par un nouveau leader omniscient. L’après Bérenger doit être le temps des idées pour le MMM. Le parti devra renverser ce qui passe désormais pour être la norme : les mouvements politiques sont entièrement voués au service de leurs leaders. Or, les révoltes populaires dans le monde démontrent chaque jour que les peuples veulent exactement l’inverse. Le MMM doit entendre cela…

Ainsi, une direction collégiale apparaît comme la formule idéale pour que les idées du parti volent enfin la vedette aux hommes. L’avantage sera double. D’abord, permettre la prise de parole des cadres mauves, experts dans leurs domaines respectifs. Ensuite, rendre inopérante la stratégie rebattue des adversaires du MMM consistant à bombarder Bérenger de critiques afin de discréditer aussi bien sa personne que son parti. Demain, il faudra critiquer l’équipe du MMM, les idées mauves. Non plus un homme.

La naïveté est toutefois à proscrire. Pour un parti, une joute électorale se remporte sous les ordres d’un chef. La direction collégiale ne pourra donc opérer indéfiniment. Par la pertinence de sa réflexion ou son charisme personnel, il faudra qu’une ou plusieurs personnes en émergent. Il sera alors temps pour les militants MMM de choisir celui ou celle qu’ils installeront dans le fauteuil de leader.

Ce que nous décrivons jusqu’ici n’implique en rien que Bérenger aille en exil forcé à Riverwalk. Il est impératif que le leader historique des Mauves conserve une sorte de fonction « d’Elder Statesman » au MMM. Soit un vieux sage donnant sporadiquement son opinion sur les grandes décisions et orientations du MMM. Ou que l’on consulte dans des moments de doute. Plus que tout, il faudra que Bérenger « adoube », le moment venu, le nouveau patron du MMM et l’assure de son soutien plein et entier.

Tout cela est-il réalisable ? Oui, à condition de disposer du temps nécessaire à la refondation du parti, de ses idées et de son fonctionnement. Cela implique donc que ces changements soient initiés dès maintenant. Afin que le nouveau leader puisse être nommé à temps pour mener ses troupes à la bataille en 2015. En sachant que l’objectif de cet homme, ou de cette femme, ne sera nullement de gagner les élections d’alors. Mais plutôt de consolider les bases de son parti afin de ne pas perdre le scrutin de 2020. Le chemin est long, les objectifs lointains. Le MMM veut-il vraiment les atteindre ?

D’autres commentaires sur cet édito.


6 responses to “Ce que le Dalaï-Lama dit au MMM

  • ID

    Hey Rabin,

    The « hype » for post-Berenger has been here for the last years but it’s the first time I’m reading an article which suggesst how it can be more than why it should be.

    Very Refreshing! 🙂

  • Rabin

    Thanks ID and welcome to the blog !

  • ID

    Heey Rabin!!!

    Did You hear the latest?

    Mr Berenger is restricting the « rights » to ask questions on Medpoint exclusively to himself when parliament resumes in a country where there is supposedly democracy!

    But it can be understood, 6000 kilometres is a long distance. That’s why Dalai Lama’s message hasn’t been received… yet! 😉

  • Rabin

    Le patron se réserve la part du lion… 🙂

  • ID

    Et laisse des miettes de fourmis a ses employes! lool 🙂

  • Œil pour œil, fait pour fait | Sans concessions

    […] retrait volontaire du Dalaï Lama de ses fonctions de chef politique au Tibet qui nous a conduit à inviter Paul Bérenger à prendre sa retraite  anticipée. Quelques mois après, malgré l’éclatement de l’alliance PTr-MSM et la perception populaire […]

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