Archives de Tag: ouverture

L’heure des sacrifices

La situation est parfaitement résumée «… a country running out of steam, living beyond its means, unwilling or incapable of making the efforts needed to adapt to the requirements of the changing environment and hoping that things would change for the better ». Le discours de LLoyd Coombes, président sortant de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Maurice, jeudi dernier, a traduit de manière saisissante l’inquiétude qui a gagné le secteur privé.

Le Joint Economic Council avait annoncé la couleur au début de février en situant les enjeux économiques et en établissant clairement ce que devrait être, selon lui, l’agenda économique à suivre dans les années à venir. LLoyd Coombes a pris le relais cette semaine, non pas pour définir la stratégie de la CCI, mais pour bien faire comprendre à quel point l’immobilisme économique sera létal pour le pays.

Ce discours, nous l’avons reçu comme un appel désespéré lancé au Premier ministre, Navin Ramgoolam, et à son ministre des Finances, Rama Sithanen. À tout le gouvernement en somme. C’est un SOS qui, s’il n’est pas entendu, se traduira par un début d’exode de capitaux mauriciens vers d’autres cieux plus cléments…et ils en existent. Ou vers une lente agonie de notre tissu économique et industriel.

Ramgoolam et son équipe ont contribué à générer l’attente, à force d’affirmer, durant la dernière campagne électorale, que la nouvelle équipe sortirait le pays du marasme économique. Certes, c’était il y a près d’un an ! Et depuis Sithanen a avoué ne pas disposer de « solution miracle ou de baguette magique ». Mais l’attente demeure.

Le secteur privé aurait toutefois tort de croire que le gouvernement peut changer le tableau économique par sa seule volonté. La formule de LLoyd Coombes est bonne car elle tient en compte un élément sur lequel les gouvernements les plus puissants et les plus populaires peineront toujours à influer : la mentalité d’un peuple.

Vivre au-dessus de ses moyens ? Incapable de faire des efforts pour s’adapter ? Croire que les choses iront mieux ? Mais tout cela fait désormais partie du Mauritian Way of Life ! Le souci du lendemain et la nécessité de travailler plus, en gagnant peut-être moins, et dans la perspective d’assurer son avenir, sont des notions qui nous deviennent de plus en plus étrangères.

C’est à se demander si nos dirigeants, s’ils choisissent de prendre des décisions éclairées, ne devraient pas se transformer en dictateurs pour imposer des changements dans nos manières de travailler, de consommer et de vivre ! D’ailleurs, on constate chaque année les résultats que donne l’autoritarisme d’État en Chine et à Singapour.

Dans son budget, Sithanen pourra prôner l’austérité tout en facilitant les activités des entreprises. Mais il va bien falloir que le Parlement vote un de ces jours des lois du travail plus souples et adaptées aux nouvelles conditions économiques. Tout comme il va bien falloir faire comprendre aux fonctionnaires qu’ils doivent aussi pouvoir contribuer davantage pour assurer leur propre retraite. Et ce ne sont là que quel-ques exemples.

Il y a tant de décisions économiques éminemment politiques à prendre.

Et dans ces cas de figure, il appartient au gouvernement d’expliquer au grand public ses objectifs avant d’agir. Mais on n’a pas l’impression qu’il le fait. Il faut déconstruire le rêve qu’on a entretenu pendant trop longtemps… pour qu’enfin les Mauriciens comprennent la dure réalité : l’heure des sacrifices est arrivée.

publié le 26 mars 2006


La maturité d’une nation

L’économie, tout comme la politique, est faite de vérités successives. Et celles-ci se contredisent parfois. Il y a quelques semaines, nous cédions à la tentation de railler le secteur privé face à l’entêtement du gouvernement à refuser un « dialogue structuré » avec ses institutions représentatives. La situation perdure, mais ne fait plus rire.

La posture adoptée par le Joint Economic Council (JEC) cette semaine en dit long sur une relation qui s’est dégradée au fil des mois.

D’autres l’ont souligné. Ce n’est pas dans l’habitude du JEC de réserver la primeur de ses réflexions à la presse. Arif Currimjee, le président du Conseil, précise même qu’il compte sur la presse pour faire connaître les propositions de l’institution au gouvernement. Car le JEC va présenter son « agenda » au gouvernement « dans les jours à venir » sans autres précisions.

Mais des précisions, justement, il en faut. Le JEC a parfaitement raison de dire que la question de l’ouverture et de la libéralisation de notre économie n’a même pas à faire l’objet d’un débat. Car c’est bien la seule voie à suivre ! Les rares libéraux au sein du gouvernement doivent en être convaincus.

Mais comment procède-t-on ? Faire suivre une cure d’amincissement à l’État en abattant les mastodontes que sont la plupart de nos organismes parapublics paraît être une évidence. Amener le gouvernement à se désengager de certaines activités commerciales en est une autre. Le JEC énumère une série de suggestions qu’il nous faudra suivre tôt ou tard. Mais ces décisions ne peuvent être prises sans dialogue. Il faut déjà réfléchir à l’après-STC, DWC ou MPA. Et le gouvernement ne peut mener seul cette réflexion.

Car ceux qui seront appelés à remplacer ou compléter les services des institutions qui disparaîtront ou se réformeront doivent se préparer. Ils doivent donc connaître les plans du gouvernement. C’est de la confrontation des deux agendas que naîtra un nécessaire compromis. Celui qui permettra au secteur privé d’identifier de nouvelles opportunités d’affaires et d’activités. Et à l’État d’assurer une gestion plus saine

et efficiente, mais aussi une meilleure allocation de ses ressources. L’idée n’est pas de cantonner l’État à ses fonctions régaliennes : l’émission de la monnaie et perception de l’impôt, le maintien de l’ordre et de la sécurité nationale et l’administration de la justice. Que les défenseurs d’une certaine vision « socialisante » se rassurent ! Mais il va bien falloir dire au revoir à quelques pans de notre État providence.

Mais lesquels ? Il faut convoquer les états généraux du service public à Maurice. Le gouvernement, le secteur privé, mais aussi les organisations syndicales vont devoir dire si l’État providence a de l’avenir. Ou si c’est l’État régulateur qui doit prendre le relais. Un État qui se contenterait d’imposer les règles afin que la logique économique ne l’emporte pas sur tout dans le pays. Mais aussi un État qui assurera gratuitement aux groupes vulnérables des prestations sociales de qualité gratuitement. Et les autres ?

C’est ce que devront déterminer les états généraux. Choisirons-nous de créer une Caisse d’assurance maladie à laquelle ceux qui le peuvent contribueront ? Va-t-on favoriser l’émergence de fonds de pensions privés ? Et ce pour que les finances de l’État ne soient pas asphyxiées par les paiements de pensions de retraite à une population vieillissante dans 20 ans ?

Les questions se posent maintenant et les réponses doivent être trouvées dès demain. Pour y arriver, les politiques doivent faire preuve de courage. Le privé de réalisme. Et les syndicats de pragmatisme. C’est la maturité d’une nation qui est en train d’être mise à l’épreuve.

publié le 5 février 2006